La vraie Mata Hari by Charles S. Heymans

La vraie Mata Hari by Charles S. Heymans

Auteur:Charles S. Heymans [Heymans, Charles S.]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Essai et Chronique, Historique, Femmes, Littérature française, 20e
Éditeur: Bibliothèque numérique romande
Publié: 2024-01-20T00:00:00+00:00


XXIV

Deux justices militaires

À une cérémonie en l’honneur d’Édith Cavell, au Trocadéro, le 28 novembre 1915, M. Painlevé, ministre de l’Instruction publique, prononçait un discours où, après avoir flétri le « meurtre », il disait entre autres :

Tant que l’Allemagne n’aura pas senti au fond d’elle-même la honte et le remords de ce crime, il n’y aura pas de paix possible entre elle et l’humanité.

Certes, le ministre n’aurait pu prévoir que l’Allemagne, au lieu d’avoir honte et de regretter son acte, chercherait, deux ans plus tard, dans le châtiment légitime de l’espionne Mata Hari, une excuse, une justification du meurtre judiciaire commis sur l’infirmière anglaise.

Depuis l’exécution de Mata Hari, l’Allemagne n’a cessé de défendre l’espionne par le journal, le livre et le cinéma, s’efforçant d’assimiler ses crimes au cas de miss Cavell et de la faire passer pour une héroïne et une martyre.

* * *

Dans un journal hollandais de Batavia (Java), on pouvait lire, une semaine après l’exécution de Mata Hari, les lignes que voici :

Nous n’aurions pas osé penser que la France qui, naguère, acquittait des femmes assassins comme Mme Steinheil et Mme Caillaux, qui avait tué à coups de revolver le rédacteur en chef du Figaro, Gaston Calmette, serait capable de cette lâcheté.

Cet acte n’est pas seulement cruel, mais encore excessivement bête, car, aussi bien que les Allemands en ce qui concerne miss Cavell, les Français auraient pu et dû se contenter de garder la coupable en prison jusqu’après la guerre, afin qu’elle ne fût plus à même de commettre des actes contraires aux intérêts militaires du pays. En effet, le but était de mettre la coupable hors d’état de nuire et on pouvait l’atteindre par la détention autant que par l’exécution.

Le crime commis sur Mata Hari entache à tout jamais l’honneur de la France et, tout en n’étant d’aucune façon défendable, ne peut s’expliquer que par la dégénérescence que la guerre comporte nécessairement.

Et il nous paraît lâche d’imputer à crime à l’Allemagne ce qu’on passe à la France.

En raison même de notre sympathie pour la France (?), le crime dont ce pays s’est souillé en fusillant sans nécessité une de nos compatriotes nous remplit de tristesse.

Quand les Allemands eurent exécuté miss Cavell, le premier ministre d’Angleterre Asquith s’écria, plein d’indignation, à la Chambre des Communes : « Quelle que soit la durée de la guerre, les coupables du crime commis sur miss Cavell seront punis, quelque haut placés qu’ils soient ! »

Est-ce que les coupables de l’assassinat de Mata Hari seront punis à leur tour ?

Ou est-ce que l’assassinat cesse maintenant d’être un crime ?

Le journaliste qui a écrit ces lignes, M. Thomas, n’était, il est vrai, pas Allemand. C’était un Arménien d’origine, Hollandais d’éducation. Il possédait et dirigeait un journal quotidien dans la capitale des Indes Néerlandaises. Mais ce journal, pendant la guerre, s’était vendu aux Allemands – le seul à Java – et était stipendié par le consul général d’Allemagne à Batavia.

* * *

Cette mise en balance par les Allemands du cas de miss Cavell avec celui de Mata Hari est une iniquité et un défi au bon sens.



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